L’art est un animal sauvage. Une rencontre brutale, éphémère avec laquelle on vit plus mentalement que physiquement. Ce silence émanant, cette figitude ne peut passer que par un langage immanent. Ce qui se présente devant vous, vous vous présentez également devant elle, chacun se jauge et apprend de l’autre. Sans langage, une conversation est possible. On se laisse pénétrer par ce moment, on se retrouve devant cet animal/oeuvre parmi tant d’autres. On en a
vu énormément, mais celle-ci est devant nous, possiblement pour la première et la dernière fois. L’image mentale restera et s’oubliera car l’oubli est nécessaire à se rappeler. Mais nous, tout mobile que nous sommes, on se retrouve là, planté avec notre forme si ennuyeuse par sa constance et son ultime déclin, un déclin d’une seule fois. Alors que savoir faner de son vivant, seule une plante peut se le permettre. Une remise en question permanente liée à son immobilisme. Savoir oublier, savoir s’oublier et faner tel une peinture dans la nature, une abeille de fatigue à côté d’une fleur, un renard au bord d’un ruisseau, dans un silence si doux. Tout cela aura été là et l’image mentale qui en persistera en sera plus importante car permise d’être fantasmée. Ainsi, naissant d’une tige sèche et fanée, le chardon, dissipateur de mélancolie de par sa ténacité accepte ce qui lui arrive inexorablement tel la recherche d’un rond parfait soumis aux lois de dilatation. Savoir disparaître, savoir oublier, savoir faner. Faire de la peinture qui fane, un labeur d’apiculteur. Tout ce que je veux apprendre de ce que je vois.